Tension sociale au Tchad

07/02/2018
Tension sociale au Tchad

Le président tchadien Idriss Déby

La tension sociale est montée d'un cran mercredi au Tchad après la suspension par le gouvernement de dix partis politiques d'opposition et l'appel par les syndicats à un durcissement de la grève, à la veille d'un "jeudi de la colère" à N'Djamena.

Les activités de dix partis politiques d'opposition, dont celui du député Djimet Clément Bagao, sont "suspendues pour une durée de deux mois", a indiqué le ministre de la Sécurité, Ahmat Mahamat Bachir, qui avait averti mardi que les partis qui "tenteraient de défier l'autorité de l'Etat" seraient suspendus.

"Les regroupements de partis politique de l'opposition ne baisseront pas les bras face à un régime totalitaire qui viole à chaque fois les lois de la République", a réagi auprès de l'AFP Bergue Tiergy Fidèle, porte-parole de la Coalition De l'opposition politique pour le redressement et l'alternance au Tchad (Coprat), une plateforme regroupant plusieurs partis politiques suspendus mercredi.

Dans le même temps, les syndicats à l'origine des appels à la grève générale ont franchi un nouveau palier dans la contestation en appelant mercredi à la fin du service minimum dans les établissements publics de santé.

Cet appel, s'il est suivi, pourrait mener à une grève complète des services de santé au Tchad.

Le 29 janvier, les syndicats avaient déclenché une grève générale et illimitée des fonctionnaires à la suite de la réduction des salaires des agents de l'Etat et l'augmentation de l'impôt sur le revenu. Une partie du secteur privé avait rejoint le mouvement pour deux jours, lundi et mardi.

Depuis plus de deux semaines, N'Djamena fait face à une grogne sociale qui ne cesse de s'amplifier. D'abord mobilisés contre un projet de loi controversé de réduction des salaires des fonctionnaires - finalement abandonné par le gouvernement -, les mouvements sociaux ont repris quand les fonctionnaires se sont rendu compte de coupes effectives dans leurs salaires, à la fin janvier.

Face à ce mouvement de grève généralisée et aux appels à des marches de protestations qui se multiplient depuis, le gouvernement a interdit toute marche de syndicats, d'associations de la société civile et de partis politiques.

Cette tension sociale généralisée, soutenue par l'opposition, a pris des allures de fronde contre le président Idriss Déby Itno (au pouvoir depuis 1990), tandis qu'apparaissent en parallèle des protestations sociales, des critiques contre la gouvernance du pays.

"Déby n'a pas de position pour le Tchad, l'endettement de ce pays est hors normes", et ce alors qu'"il a récupéré l'argent du pétrole", estime Mahamat Nour Ibedou, porte-parole d'une "marche pacifique" de 10 associations de la société civile prévue jeudi, qui a été interdite par les autorités.

Celle-ci - le "jeudi de la colère" - a été comme les précédentes marches interdite par les autorités. Le collectif de la société civile a décidé de maintenir la marche. 

Mercredi, la police a affirmé que les personnes interpellées mardi étaient encore en détention.

Pays allié de la France et de l'Occident dans la lutte contre les jihadistes au Sahel, le Tchad traverse depuis deux ans une sévère récession économique, conséquence de la chute des prix du pétrole depuis 2014. Près de 40% de la population de plus de 14 millions d'habitants vit sous le seuil de pauvreté.

L'Etat a imposé des mesures d'austérité drastiques, estimant que le Trésor public n'a aucun moyen de supporter sa masse salariale face à un endettement à hauteur de 800 milliards de francs CFA (1,2 milliard d'euros) auprès des banques commerciales.

Le Tchad doit répondre aux exigences budgétaires du Fonds monétaire international qui lui a accordé en juin une facilité de crédits. L'institution attend que N'Djamena assainisse ses finances et renégocie sa dette de 1,45 milliard de dollars avec le trader anglo-suisse Glencore, selon une source proche du dossier.

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