Haïti : le gouvernement fait marche arrière

07/07/2018
Haïti : le gouvernement fait marche arrière

Essence en hausse de 38%

Le gouvernement haïtien est revenu samedi sur sa décision d'augmenter les prix des produits pétroliers, une mesure très impopulaire qui a déclenché des violences ayant fait au moins un mort dans ce pays où la majorité de la population vit dans une pauvreté extrême.

"Le gouvernement annonce la suspension de la mesure d'ajustement des prix des produits pétroliers jusqu'à nouvel ordre", a indiqué le Premier ministre haïtien Jack Guy Lafontant sur Twitter, en condamnant "vigoureusement les actes de violences et de vandalismes". 

Auparavant, le président de la Chambre des députés Gary Bodeau avait lancé un ultimatum de deux heures au gouvernement pour qu'il revienne sur cette hausse, sans quoi il serait "considéré comme démissionnaire".

Avant même cette mesure controversée, M. Lafontant, nommé en mai 2017, était déjà très critiqué pour son inaction. Les députés, dont la majorité est acquise au président Jovenel Moïse, avaient commencé la semaine dernière un débat pour statuer sur son avenir.

Le recul du gouvernement, après moins de 24 heures, pourrait mettre un terme à son mandat et entraîner la chute du gouvernement. 

L'annonce vendredi après-midi de la hausse des tarifs des produits pétroliers a déclenché une flambée de violences.

Un supermarché et divers commerces ont été pillés et plusieurs entreprises et véhicules ont été incendiés, principalement dans les quartiers aisés de Pétionville.

Samedi, alors que la présence policière est inexistante à travers Port-au-Prince, la plupart des axes majeurs étaient toujours bloqués par des barricades. Des tirs sporadiques étaient entendus dans certains quartiers. Plusieurs vols internationaux à destination de la capitale haïtienne dans la matinée ont été annulés. 

Des mouvements similaires de colère ont été enregistrés au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, ainsi que dans les communes des Cayes, Jacmel et Petit-Goave.

Vendredi soir, un policier assigné à la sécurité d'un dirigeant politique d'opposition a été tué dans une altercation avec un groupe de manifestants à Port-au-Prince. Il a été lynché alors qu'il cherchait à forcer le passage, et son corps a ensuite été brûlé sur la chaussée.

Face aux contestations, le Premier ministre avait appelé samedi matin la population à la "patience". "Notre administration a une vision, un programme clair", avait-il assuré dans une allocution télévisée.

"Ne détruisez pas car, à chaque fois, c'est Haïti qui devient plus pauvre", avait ajouté M. Lafontant.

Le directeur de la police nationale, Michel-Ange Gédéon, avait aussi condamné les violences et appelé au calme, disant comprendre le "droit (à) protester, (à) revendiquer". Il avait fait état d'au moins deux commissariats et plusieurs voitures de police incendiés.

L'augmentation des prix de l'essence (38%), du diesel (47%) et du kérosène (51%) devait entrer en vigueur samedi à minuit, dans le cadre d'un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) sur la cessation de la subvention publique sur les produits pétroliers, source conséquente du déficit budgétaire de l’État. 

Cette importante hausse est perçue comme insupportable par la majorité de la population qui fait face à une pauvreté extrême, un chômage de masse et une inflation supérieure à 13% pour la troisième année consécutive.

Le gouvernement a tenté de persuader les citoyens qu'il était obligé de réviser les prix des produits pétroliers, en choisissant soigneusement ses éléments de langage.

"On ne parle pas d'augmentation mais plutôt de mettre les carburants aux prix auxquels ils doivent être", a souligné samedi le Premier ministre dans son message télévisé.

"De 2010 à 2018, Haïti a subventionné les carburants à hauteur de 50 milliards de gourdes, soit environ un milliard de dollars. Ce montant aurait pu nous permettre de construire beaucoup de kilomètres de route (...), beaucoup de salles de classe (...), beaucoup de centres de santé", a détaillé le chef du gouvernement pour justifier la mesure impopulaire.

Depuis l'annonce des nouveaux prix, les stations-service des principales villes du pays ont suspendu la distribution de carburants.

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