Venezuela : risque potentiel pour toute la région

14/10/2017
Venezuela : risque potentiel pour toute la région

Alejandro Werner

Un éventuel défaut de paiement du Venezuela, évoqué avec insistance par les marchés, aurait des répercussions financières "mesurées", mais pourrait frapper les pays voisins s'il provoque une crise humanitaire, estiment le FMI et des économistes.

"Les effets d'un possible défaut de paiement de la dette souveraine du Venezuela seraient plus mesurés, car les investisseurs ont déjà incorporé ce risque", a estimé le directeur du FMI pour l'Amérique latine, Alejandro Werner, lors de la présentation de ses perspectives pour l'Amérique latine, écartant un effet domino sur d'autres pays. 

"En revanche, le risque principal pour la région est lié à la crise humanitaire et les migrations qu'elle pourrait engendrer de citoyens vénézuéliens vers les pays voisins", a-t-il prévenu, rappelant que le nombre d'arrivées au Brésil et en Colombie "a augmenté de manière marquée au fur et à mesure que la crise s'est intensifiée".

Le Venezuela fait face à de lourdes difficultés financières et économiques. En octobre et novembre, l’État et la compagnie pétrolière PDVSA doivent rembourser environ 3,8 milliards de dollars de dette arrivant à échéance.

"Le risque que la crise vénézuélienne fasse tache d'huile sur d'autres pays est assez faible", estime Ludovic Subran, chef économiste chez l'assureur Euler Hermes, doutant qu'un défaut de paiement déclenche une crise obligataire qui frapperait ensuite d'autres pays émergents, qui se sont fortement endettés ces dernières années sur les marchés internationaux en profitant des taux d'intérêts très bas.

"Le vrai sujet aujourd’hui est plus humanitaire qu'économique", a expliqué M. Subran, pointant les répercussions que pourrait avoir sur les pays voisins, notamment la Colombie, l'arrivée massive de Vénézuéliens. "Pour la Colombie, par exemple, c'est un poids énorme", a-t-il ajouté.

Un spécialiste des marchés obligataires a confirmé ces craintes. "En cas de défaut, il y aura certes de la casse pour certains créanciers privés, mais l'économie mondiale ne va pas s'effondrer à cause du Venezuela", a-t-il assuré, sous couvert d'anonymat. "En revanche, il y a un vrai sujet de fuite de population, de réfugiés, qui est probablement plus important", a-t-il ajouté. 

Au FMI, M. Werner a prévenu que ces flux migratoires auraient "un impact important" sur les pays voisins du Venezuela, en particulier la Colombie, ce qui se traduirait par "des pressions sur les finances publiques".

Pour son adjoint, Robert Rennhack, l'arrivée de centaines de milliers de Vénézuéliens en Colombie constitue "un défi" pour le président Juan Manuel Santos. "Le gouvernement doit gérer cette situation et cela pose beaucoup de problèmes." 

Le risque de défaut de paiement du Venezuela s'est intensifié cet été après l'annonce par le président américain Donald Trump de nouvelles sanctions qui interdisent d'acheter de nouvelles obligations émises par le gouvernement sud-américain et par la compagnie pétrolière nationale PDVSA, ce qui affecte le paiement des services, des médicaments et de l'alimentation aux entreprises étrangères.

"Le cœur des sanctions est d'empêcher l'acquisition de nouvelles obligations émises par le Venezuela par des opérateurs américains. Il s'agit d'un tarissement très fort des nouveaux flux", a estimé le spécialiste des matchés obligataires.

En juillet, l'agence de notation financière SP Global avait abaissé à CCC- la note du Venezuela et prévenu d'un risque de défaut de paiement dans les six mois. Un mois plus tard, l'agence de notation Fitch avait estimé que le risque de défaut de paiement avait augmenté après les nouvelles sanctions financières infligées par les États-Unis.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro s'est rendu la semaine dernière à Moscou pour rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine et discuter d'une éventuelle restructuration de la dette vénézuélienne vis-à-vis de la Russie. 

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