Venezuela : tout sauf Maduro

25/05/2016
Venezuela : tout sauf Maduro

Policiers dans les rues de Caracas

L'opposition vénézuélienne manifestait mercredi pour accentuer sa pression sur le gouvernement socialiste et provoquer un départ anticipé du président Nicolas Maduro, sur fond de mécontentement populaire dans ce pays en pleine débâcle économique.

En milieu de matinée, plusieurs centaines de partisans de la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement, protestaient face à un tribunal administratif dans l'est de Caracas.

Munis d'un grand drapeau du Venezuela, les manifestants dénonçaient sur des pancartes l'échec du modèle économique alors que les pénuries d'aliments et de médicaments se font chaque jour plus criantes.

Parallèlement, devant le Tribunal suprême de justice (TSJ), dans l'ouest de la capitale, policiers et militaires étaient déployés pour empêcher tout rassemblement.

La MUD est engagée dans un véritable course contre-la-montre : si elle veut faire partir le président de 53 ans et entraîner de nouvelles élections, elle doit organiser un référendum d'ici le 10 janvier. Sinon elle n'obtiendrait, au mieux, que son remplacement par le vice-président.

Mais, alors qu'elle veut s'appuyer sur la rue pour se faire entendre, le TSJ a interdit toute manifestation face au Conseil national électoral (CNE), chargé de vérifier les deux millions de signatures remises début mai par l'opposition de centre-droit, première étape du processus vers le référendum.

Prétendre qu'on peut faire taire les protestations à coup de décisions judiciaires, c'est une bêtise, a assuré à l'AFP le secrétaire exécutif de la MUD, Jesus Torrealba, parmi les manifestants.

Le peuple vénézuélien a le droit de manifester pacifiquement, de s'exprimer librement, a déclaré la députée Marialbert Barrios.

Dans ce pays aux plus importantes réserves pétrolières de la planète mais qui importe la quasi-totalité de ses produits, les jours d'opulence ne sont plus qu'un lointain souvenir : maintenant que les cours du brut sont au plus bas, tout ou presque manque dans les rayons des supermarchés.

Les Vénézuéliens doivent courir d'un magasin à l'autre pour trouver de quoi s'alimenter ou se soigner et subissent la pire inflation au monde (180% en 2015).

Lundi, le géant américain Coca-Cola a annoncé la suspension d'une grande partie de sa production au Venezuela faute de sucre.

Le même jour, le gouvernement, qui contrôle les prix de nombreux aliments pour contrer l'inflation, a dû multiplier par 10 celui de la farine de maïs et par 13 celui du poulet, sous la pression des producteurs.

Excédés par ces tracas du quotidien, auxquels s'ajoutent des coupures d'électricité imposées par les autorités pour économiser l'énergie, plus des deux tiers des Vénézuéliens (68%) souhaitent le départ de Nicolas Maduro, élu jusqu'en 2019.

Surfant sur ce mécontentement, l'opposition veut organiser un référendum révocatoire à son encontre, une option prévue dans la Constitution et utilisée une seule fois - mais sans succès - dans l'histoire du pays, en 2004, contre son prédécesseur Hugo Chavez (1999-2013).

L'unique option qu'a l'opposition pour faire pression en faveur du référendum est la manifestation pacifique dans la rue, en plus de la pression internationale, estime le politologue Héctor Briceño.

Le référendum sera possible si la pression citoyenne est maintenue, assure Henrique Capriles, un des leaders de l'opposition.

Mais pour l'instant la mobilisation reste faible, en raison selon les analystes du contrôle exercé par le chavisme en 17 ans de pouvoir.

Les Vénézuéliens gardent aussi en mémoire les violentes manifestations de 2014, qui avaient fait 43 morts officiellement.

Les gens pensent peut-être qu'il est plus viable de faire partir ce gouvernement par la voie politique et non via une confrontation avec l'armée où ils se feraient écraser, explique l'analyste Raquel Gamus.

Une timide pression internationale se fait jour : l'ex-chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, accompagné d'anciens présidents latino-américains, est depuis la semaine dernière à Caracas pour promouvoir le dialogue.

En face, le camp présidentiel, qui contrôle la majorité des institutions, se veut inflexible.

Ordure, traître, a rétorqué Nicolas Maduro au secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), l'Uruguayen Luis Almagro, qui l'avertissait du danger de devenir un dictateur en herbe.

Opposant une fin de non-recevoir au référendum avant même toute décision des autorités électorales, le président a fait monter la tension ces derniers jours en décrétant l'état d'exception, synonyme pour lui de pouvoirs accrus.

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