Sombre bilan pour le Kosovo

21/01/2018
Sombre bilan pour le Kosovo

Situation politique tendue

L'assassinat du politicien serbe Oliver Ivanovic cette semaine est venu s'ajouter aux nuages noirs au-dessus du Kosovo, qui s'apprête à fêter dans une ambiance lourde, les dix ans de sa proclamation d'indépendance le 17 février. 

Proclamée unilatéralement en 2008, l'indépendance de cette ex-province de la Serbie, est reconnue par plus de 110 pays. 

Mais Belgrade et les quelque 120.000 membres de la minorité serbe (sur 1,8 million d'habitants) s'y refusent, près de vingt ans après un conflit qui a fait 13.000 morts, en grande majorité kosovars albanais. 

Tué le 16 janvier à Mitrovica-Nord (zone serbe de la ville divisée), ce sexagénaire apparaissait comme un modéré parmi les représentants politiques de la minorité serbe, potentiel bâtisseur de ponts avec les Kosovars albanais. Il était un opposant à la ligne imposée par Belgrade aux Serbes du Kosovo. Ce qui lui valait de solides inimitiés. 

Ce crime, dont les auteurs restent inconnus, revêt "un potentiel de déstabilisation du Kosovo", dit à l'AFP l'analyste politique Ramush Tahiri. 

Première conséquence de l'assassinat, la suspension sine die du dialogue entre représentants serbes et kosovars albanais, "va faire mal à notre pays", selon Zëri, l'un des deux principaux quotidiens du Kosovo. 

Lancé en 2013 sous égide européenne, ce processus de normalisation des relations entre Pristina et Belgrade est au point mort depuis des mois. Pourtant, de nombreux sujets restent à régler, notamment le statut des municipalités où les Serbes sont majoritaires. 

Pristina avait accepté ces cours chargées de juger les crimes de guerre commis par l'Armée de libération du Kosovo (UCK), contre des Serbes lors du conflit de 1998-99, mais aussi des Roms et des opposants politiques kosovars albanais. Répondant au droit kosovar mais installé à La Haye et composé de magistrats étrangers, ce tribunal est prêt à prononcer ses premières inculpations. 

Les plus hauts responsables du Kosovo semblent avoir changé d'avis, tentant en vain récemment de le faire abroger par le Parlement. Beaucoup y décèlent un signe de panique des dirigeants kosovars. 

Le président Hashim Thaçi, le président du parlement Kadri Veseli, ou encore Daut Haradinaj, frère du Premier ministre, sont régulièrement cités comme susceptible d'être inquiétés.

Une remise en cause du tribunal serait "une victoire de l'intérêt particulier aux dépens du bien commun et des intérêts du Kosovo en tant qu'Etat", a dit l'ambassadeur américain Greg Delawie qui a prévenu qu'il y aurait des "conséquences". 

Pour l'expert en sécurité Lulzim Peci, en cas de suppression, le Kosovo "serait considéré comme un Etat voyou, indigne de confiance, et rejoindrait le club de la Corée du Nord, de l'Iran ou de la Serbie de Milosevic". 

"Il est trop tard pour changer quelque chose", dit Zenel Kastrati, 57 ans, commerçant de Pristina, qui met en garde contre une "confrontation avec les Etats-Unis et les autres amis occidentaux".

En s'unissant après des années de querelles, les anciens chefs de l'UCK ont conservé de justesse le pouvoir après les législatives de juin. Mais leur majorité est fragile et une chute du gouvernement de Ramush Haradinaj, est une possibilité. 

En face, Vetevendosje (Autodétermination, gauche nationaliste), désormais premier parti du pays, apparaît sur le point d'éclater entre les partisans de son chef historique, Albin Kurti, et ses adversaires qui dénoncent une dérive personnelle. 

Une situation économique catastrophique a émoussé l'enthousiasme de l'après-indépendance. Plus d'un Kosovar sur quatre est au chômage (28,7%), le taux atteint 52% chez les 15-24 ans, selon l'Agence des Statistiques. Le salaire moyen est de 363 euros, et selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le taux de pauvreté atteint 29,7%. 

Il n'y a pas de donnée officielle sur ce point, mais selon diverses estimations, des dizaines de milliers de personnes émigrent chaque année. Pour les Kosovars, la libéralisation des visas avec l'Union européenne est LA priorité. Raison de plus de ne pas se fâcher avec l'Occident.

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