Vive tension entre Ankara et Berlin

04/09/2017
Vive tension entre Ankara et Berlin

Omer Celik

La Turquie a accusé lundi les responsables politiques en Allemagne de "céder au populisme" après qu'Angela Merkel s'est dite favorable à un arrêt des négociations d'adhésion à l'UE avec Ankara, sur fond de multiplication des passes d'armes entre ces deux pays-clés de l'Otan.

"La fin des négociations avec la Turquie est une attaque (portée) aux valeurs fondatrices de l'Union européenne", a estimé le ministre turc des Affaires européennes, Omer Celik, reprochant aux dirigeants allemands d'utiliser un "langage imprudent". 

De son côté, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, n'a pas hésité à juger que l'Europe "se tournait vers les valeurs de l'ère ayant précédé la Deuxième Guerre mondiale... barbarie, fascisme, violence, intolérance". 

Dans un communiqué, son ministère a en outre accusé les responsables politiques allemands d'encourager l'"islamophobie", rappelant que la Turquie avait aidé l'Europe pendant l'"important chaos" causé par l'arrivée de nombreux réfugiés en Europe, en 2015. ​

Dimanche soir, au cours du seul débat télévisé de la campagne avec son rival social-démocrate Martin Schulz, la chancelière allemande a conforté son statut de favorite pour se succéder à elle-même avant les élections du 24 septembre.

"Il est clair que la Turquie ne doit pas devenir un membre de l'UE", a notamment déclaré Mme Merkel.

La candidate conservatrice a ajouté vouloir "discuter avec (ses) collègues" de l'Union européenne "pour voir si nous pouvons parvenir à une position commune sur ce point et si nous pouvons mettre fin aux négociations d'adhésion".

"Je ne vois pas l'adhésion arriver et je n'ai jamais cru que cela puisse survenir", a-t-elle encore expliqué.

Omer Celik a en réponse reproché aux dirigeants politiques allemands d'"essayer de donner des ordres aux institutions européennes... Ils pensent que l'UE est leurs 'Etats-Unis d'Allemagne'". 

Leur attitude consiste, selon lui, à vouloir "construire un mur de Berlin avec les briques du populisme".

Réagissant plus tôt ce lundi dans une tirade enflammée sur Twitter, le porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdogan, Ibrahim Kalin, a pour sa part critiqué le "manque de vision" de la chancelière allemande.

Entamées en 2005, les laborieuses négociations entre l'UE et la Turquie sont au point mort en raison de l'évolution de la situation politique dans ce pays, où le pouvoir est accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire.

S'exprimant au forum stratégique de Bled, dans le nord-ouest de la Slovénie, la responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a néanmoins rappelé que la Turquie restait un partenaire dans la région ainsi qu'un pays candidat à l'UE. 

"Nous continuerons donc les échanges, cela dépendra de discussions internes (à l'UE) et surtout de discussions que nous aurons tous ensemble pour définir l'avenir de nos relations", a t-elle dit. 

Les liens entre la Turquie et l'Allemagne se sont tendus depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, imputé par Ankara au prédicateur musulman Fethullah Gülen, qui nie les faits.

L'Allemagne dénonce depuis des mois les purges orchestrées par les autorités turques à la suite au coup d'Etat avorté et la détention de citoyens allemands, ayant pour certains aussi la nationalité turque, pour "raisons politiques".

L'un d'entre eux, arrêté la semaine passée pour ce motif vient par ailleurs d'être libéré, a déclaré lundi le ministère allemand des Affaires étrangères, ramenant le nombre total des Allemands en détention pour "raisons politiques" à 11.

Le ministère a cependant précisé attendre une confirmation officielle de la part des autorités turques.

De son côté, la Turquie fustige l'Allemagne pour l'indulgence dont Berlin fait selon elle preuve envers des "terroristes" en abritant des séparatistes kurdes et des putschistes présumés.

Tout récemment, M. Erdogan a provoqué une levée de boucliers en Allemagne en appelant l'importante communauté turque dans ce pays - trois millions de personnes - à ne voter ni pour les conservateurs d'Angela Merkel, ni pour les sociaux-démocrates.

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