L'Ethiopie se met à dos l'Egypte et le Soudan

06/07/2021
L'Ethiopie se met à dos l'Egypte et le Soudan

Une capacité de production d'électricité annoncée de près de 6.500 mégawatts

L'Egypte et le Soudan ont rejeté l'initiative de l'Ethiopie d'entamer sans accord préalable la seconde phase de remplissage de son barrage controversé sur le Nil, une opération qui risque d'aggraver la tension avant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU jeudi.

Lundi soir, l'Egypte a annoncé avoir été informée par Addis Abeba du début de la 2e phase de remplissage du barrage, construit par l'Ethiopie en amont du Nil.

Et mardi, le Soudan a dit avoir reçu la même notification. Mais l'Ethiopie n'a pas confirmé officiellement cette opération sur le Grand barrage de la Renaissance (GERD), objet de longue date d'un conflit avec l'Egypte et le Soudan qui craignent pour leurs ressources en eau.

Un responsable éthiopien a seulement indiqué sous couvert de l'anonymat que l'opération aurait lieu "en juillet et août" et que l'ajout d'eau était un processus naturel en particulier pendant la saison estivale des pluies.

L'Egypte rejette "fermement (cette) mesure unilatérale", a indiqué le ministre égyptien de l'Irrigation Abdel Aty dans un communiqué, en dénonçant "une violation des lois et normes internationales qui régulent les projets de construction sur des bassins partagés de rivières internationales".

A Khartoum, les Affaires étrangères ont également dénoncé une "violation flagrante du droit internationale" et évoqué "un risque imminent".

A deux jours de la réunion du Conseil de sécurité sur ce dossier, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri a rencontré son homologue soudanaise Mariam al-Mahdi à New York.

Dans un communiqué, ils ont exprimé leur "strict rejet" de l'initiative de remplissage et appelé le Conseil de sécurité à "soutenir leur position sur un accord contraignant sur le remplissage et l'exploitation du barrage". Le Conseil de sécurité se réunit à la demande de la Tunisie, membre non permanent au Conseil et représentant du monde arabe, au nom de l'Egypte et du Soudan. L'Ethiopie est opposée à cette réunion mais devrait y participer.

La France, qui préside en juillet le Conseil de sécurité, a d'ores et déjà estimé que la capacité de cette instance à trouver une solution au conflit était limitée, ce dossier était plutôt géré par l'Union africaine. "Je ne pense pas que le Conseil de sécurité peut résoudre lui-même la question du barrage", a déclaré l'ambassadeur français à l'ONU, Nicolas de Rivière. "Nous pouvons inviter les trois pays à exprimer leurs préoccupations (...) et les encourager à revenir aux négociations pour trouver une solution".

L'Ethiopie, qui a dit avoir opéré la première phase de remplissage à l'été 2020, avait annoncé qu'elle procéderait en juillet à la seconde phase, avec ou sans accord.

Le barrage, dit-elle, est vital pour répondre aux besoins en énergie de ses 110 millions d'habitants. L'Egypte a déploré que les négociations soient dans l'impasse depuis avril et accusé l'Ethiopie d'avoir "adopté une ligne intransigeante" diminuant les chances de parvenir à un accord.

En mai, M. Choukri avait toutefois affirmé que la seconde phase de remplissage n'affecterait pas les intérêts en eau de son pays.

Le Soudan, lui, espère que le barrage va réguler ses crues annuelles, mais craint des effets néfastes sans accord. L'Egypte, qui dépend du fleuve à 97% pour son approvisionnement en eau, le voit comme une menace pour ses ressources. Le méga-barrage, d'une contenance totale de 74 milliards de m3 d'eau, est construit depuis 2011 dans le nord-ouest de l'Ethiopie, près de la frontière avec le Soudan, sur le Nil bleu qui rejoint le Nil blanc à Khartoum pour former le Nil.

Avec une capacité de production d'électricité annoncée de près de 6.500 mégawatts, il pourrait devenir le plus grand barrage hydroélectrique d'Afrique. Le regain de tension créé par le remplissage du barrage entre Khartoum et Addis Abeba s'ajoute à d'autres dossiers épineux qui ont empoissonné les relations entre les deux pays voisins.

La guerre au Tigré fin 2020 dans le nord de l'Ethiopie a poussé quelque 60.000 réfugiés à fuir vers le Soudan en proie à des difficultés économiques. Et un contentieux frontalier vieux de plusieurs décennies, lié à des agriculteurs éthiopiens qui s'étaient installés en territoire soudanais, reste potentiellement actif.

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