Brésil : l'affaire Petrobras ébranle le gouvernement

07/03/2015
Brésil : l'affaire Petrobras ébranle le gouvernement

Le scandale risque d'avoir d'énormes conséquences politiques

Le feu vert donné par la Cour suprême brésilienne au parquet pour enquêter sur des dizaines d'hommes politiques dans le cadre du scandale de corruption Petrobras fait trembler le gouvernement et menace l'économie du pays mais ne semble pas concerner la présidente Dilma Rousseff.

Après une journée de tensions dans les milieux politiques de la capitale Brasilia, la liste publiée est tombée vendredi soir. Elle est impressionnante: 49 hommes politiques sont cités, dont 12 sénateurs et 22 députés en cours de mandat, membres de cinq partis dont trois faisant partie de la coalition au pouvoir.

Parmi eux, le président du Sénat, Renan Calheiros, et celui de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, du parti centriste PMDB, allié incontournable du gouvernement de Dilma Rousseff. 

Et samedi, le ministre de la Justice Jose Eduardo Cardozo a tenu à corriger certaines versions erronées, selon lui, parues dans la presse, affirmant que Mme Rousseff ne faisait pas l'objet d'une enquête du parquet étant protégée par son mandat.

Son nom n'est jamais apparu et il n'y a ni fait, ni indice contre elle dans le dossier, a affirmé le ministre dans une conférence de presse à Sao Paulo (sud)

Selon le parquet, les hommes politiques cités recevaient des pots-de-vin une fois par semaine, tous les quinze jours ou une fois par mois. Les enquêtes ont révélé les agissements d'une organisation criminelle complexe, dans laquelle le noyau politique brésilien est impliqué.

Le procureur de la République Rodrigo Janot cherche à déterminer les responsabilités dans ce retentissant scandale de contrats frauduleux passés avec des entreprises, de pots-de-vin et de blanchiment d'argent qui auraient généré un manque à gagner de 4 milliards de dollars en 10 ans pour le géant pétrolier Petrobras, la compagnie phare du pays contrôlée par l'Etat, et autrefois fierté nationale.

Le parquet enquêtera aussi sur le financement de la campagne de 2010 de Mme Rousseff quand elle a succédé au président Luiz Inacio Lula da Silva, son parrain politique.

Le nom d'Antonio Palocci, ex-ministre des Finances de Lula et ex-chef de cabinet de Rousseff (en 2011), a également surgi dans les déclarations de prévenus qui collaborent avec la police dans l'espoir d'une réduction de peine. M. Palocci aurait reçu 700.000 dollars (645.000 euros) de la part d'opérateurs financiers du réseau de corruption, monté au sein de Petrobras pour financer la campagne de Mme Rousseff.

Pour l'instant, tous les suspects continuent de nier les faits, et affirment qu'on les condamne d'avance.

Les décisions de justice à venir pourraient avoir des conséquences terribles pour le Brésil, selon les analystes.

L'affaire de corruption de Petrobras va-t-elle paralyser le pays', s'interroge l'hebdomadaire économique brésilien Exame, alors que certains secteurs de l'économie tournent déjà au ralenti. Outre Petrobras, une trentaine de grandes entreprises sont impliquées dans ce scandale, entraînant l'arrêt de chantiers, la révision de lignes de crédits et la suspension de contrats.

La situation menace l'ajustement budgétaire que le pays vise pour relancer la croissance, alors que son économie est en berne depuis cinq ans. La croissance du produit intérieur brut en 2014, publié fin mars, devrait s'avérer proche de zéro, voire négative, et 2015 s'annonce mal, a déjà reconnu le ministre de l'Economie Joaquim Levy.

Le scandale risque ainsi d'avoir d'énormes conséquences politiques. Une partie des membres du PMDB, première force politique au Sénat et seconde à la Chambre basse dont Dilma Rousseff ne peut pas se passer pour gouverner, se rapproche déjà de l'opposition. Le Parti des travailleurs (PT-gauche) de Mme Rousseff, au pouvoir depuis douze ans, pourrait avoir de plus en plus de diffucultés à faire passer ses projets au Congrès.

La dégradation de l'image des hommes politiques visés par une enquête ne pourra que compliquer les relations entre le PT et le PMDB. La présidente elle-même a perdu 19 points de popularité en février, passant à 23% d'opinions favorables, selon l'institut Datafolha.

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