Etat d'alerte au Venezuela

11/03/2019
Etat d'alerte au Venezuela

Le siège de l'Assemblée nationale à Caracas

L'Assemblée nationale, dominée par l'opposition, a placé lundi le Venezuela en «état d'alerte» à la demande de son président, Juan Guaidó, arguant de la situation «calamiteuse» dans le pays après quasiment 100 heures de panne de courant.

Le décret soumis au Parlement par Juan Guaidó stipule que «l'état d'alerte est décrété sur tout le territoire national [...] en raison de la situation calamiteuse dans le pays, due à l'interruption du service de distribution de l'électricité». Et le Président par intérim autoproclamé fait également appel à la «coopération internationale» pour sortir le pays de l'ornière.

Dans l'après-midi, le gouvernement a annoncé que mardi serait encore férié, faute de transports et de services de base.

«Le président Nicolas Maduro a décidé de reconduire de 24 heures la suspension des activités scolaires et du travail» après la journée chômée lundi, a annoncé le ministre de l'Information Jorge Rodriguez.

Devant les députés réunis en session extraordinaire, M. Guaidó a de nouveau appelé la population à manifester mardi dans tout le pays et à Caracas: «Demain, à trois heures, tout le Venezuela dans les rues !», a-t-il lancé de la tribune.  

«Non, la situation n'est pas normale au Venezuela et nous n'allons pas laisser se normaliser cette tragédie», a-t-il insisté, énumérant les nombreuses pénuries, dont celle de l'eau qui devient particulièrement aigüe au quatrième jour de cette panne gigantesque.

Président intérimaire reconnu par plus d'une cinquantaine de pays, Juan Guaidó a demandé aux «ambassadeurs» qu'il a nommés pour le représenter à l'étranger de coordonner le soutien international au Venezuela.

Le Parlement a également décrété la suspension des livraisons de pétrole à Cuba en défendant la nécessité de faire «des économies d'énergie» au moment où la population est confrontée à la pire crise énergétique de l'histoire du pays, malgré ses colossales réserves d'or noir.

«Plus de pétrole pour Cuba !» s'est-il écrié: en vertu d'accords bilatéraux signés du temps d'Hugo Chavez, ex-président décédé en 2013, le Venezuela envoie environ 90 000 barils par jour à son allié socialiste en échange de services médicaux. Ce chiffre aurait cependant baissé de 40 % avec la crise qui affecte ses capacités de production et à cause des sanctions américaines.

Mais cette mesure a peu de chances d'être appliquée tant que M. Maduro reste au pouvoir.

Selon la Constitution, la proclamation de l'état d'alerte-phase préliminaire à l'état d'urgence-ouvre théoriquement la voie aux quelque 250 tonnes d'aide humanitaire, vivres et médicaments offerts principalement par les États-Unis, stockées aux portes du pays et que le gouvernement avait bloqué par la force le 23 février.

Le président Maduro avait alors dénoncé une tentative masquée d'intervention militaire américaine.

M. Maduro a attribué cette panne géante qui affecte l'ensemble du pays à une attaque «cybernétique» fomentée par les États-Unis avec l'opposition contre la principale centrale hydroélectrique vénézuélienne.

Une explication qualifiée de «scénario hollywoodien» par M. Guaidó, qui a dénoncé devant les députés «la corruption et l'impéritie» des services publics chargés de l'électricité.

L'électricité est resté instable dans les quartiers de Caracas après quatre jours pleins de chaos, même si les feux de signalisation fonctionnent à nouveau dans la métropole. Certains commerces ont également repris leur activité, les transactions électroniques étant en partie rétablies.

Des pillages ont été signalés dans la capitale et à Maracibo, dans l'ouest.

L'eau et la nourriture commencent à manquer, amenant le gouvernement à procéder à des distributions dans les quartiers populaires.

Parallèlement, Washington a sanctionné lundi la banque russe Evrofinance Mosnarbank pour son «soutien» au pouvoir en place à Caracas : concrètement, les avoirs d'Evrofinance Monsnarbank aux États-Unis ou détenus par des Américains sont gelés et il est interdit aux ressortissants américains d'échanger avec cette institution.

Le gouvernement de Donald Trump a déjà annoncé une série de sanctions économiques, notamment contre la compagnie pétrolière publique PDVSA et des institutions financières étrangères «impliquées dans une aide à des transactions illégales bénéficiant à Nicolas Maduro et à son réseau corrompu». La confrontation entre MM. Guaidó et Maduro dure depuis le 23 janvier, date à la quelle Juan Guaidó, 35 ans, s'est proclamé président par intérim. Il conteste la réélection de son rival au cours d'un scrutin jugé frauduleux par la communauté internationale.  

Selon des ONG, la panne a déjà provoqué la mort d'au moins 15 malades dans les hôpitaux-dont très peu sont équipés de générateurs en état de marche-mais, en l'absence de bilan officiel et de moyens de communications, il est impossible de savoir ce qui se passe exactement dans ce pays.

Ces bilans ont été démenti dimanche par le ministre de la Santé Carlos Alvarado.

La centrale hydroélectrique de Guri, dans l'État de Bolivar, à l'origine de la panne, dessert environ les trois quarts du Venezuela. M. Maduro a dénoncé une nouvelle «attaque cybernétique» dans la «guerre électrique» livrée selon lui par les États-Unis. Le gouvernement a affirmé qu'il fournirait à l'ONU «des preuves» de ces accusations.