Hong Kong dit non à la Chine

01/09/2019
Hong Kong dit non à la Chine

Influence grandissante de la Chine sur la région semi-autonome

Cocktails Molotov, barricade incendiée et lacrymogènes... Le coeur de Hong Kong a encore plongé samedi dans le chaos avec de violents affrontements entre policiers et manifestants qui ont bravé un déluge et les interdictions pour envahir à nouveau les rues de l'ex-colonie britannique.

La police avait justifié le fait de ne pas autoriser une nouvelle manifestation monstre samedi en raison de risques de violences et en rappelant les échauffourées de dimanche dernier, parmi les plus graves depuis le début de la contestation en juin. Mais des dizaines de milliers de manifestants vêtus de noir -la couleur emblématique du mouvement- se sont répandus dans l'après-midi dans plusieurs quartiers au coeur de la région semi-autonome. "Reprendre Hong Kong, la révolution de notre temps", scandaient-ils.

La tension est montée en fin d'après-midi, quand un petit groupe de radicaux a attaqué avec des pierres et des cocktail Molotov des policiers disposés autour du complexe abritant les institutions hongkongaises et notamment le Conseil législatif (LegCo), le "Parlement" local qui avait été mis à sac le 1er juillet. Ils ont brièvement réussi à enfoncer les barrières protégeant le LegCo, avant d'être promptement repoussés par les forces de l'ordre à grand renfort de lacrymogènes, avec l'intervention des canons projetant notamment un liquide bleu. Des médias locaux rapportent que ce colorant doit permettre d'identifier ensuite les suspects.

"Les manifestations pacifistes ne fonctionnent pas", a dénoncé une manifestante de 22 ans se faisant appeler Stone. "Les radicaux doivent faire parler la colère pour obtenir quelque chose." "Nous ne nous rendrons pas", disait un graffiti sur un mur de la station de métro voisine d'Admiralty. Les manifestants se sont ensuite déplacés en direction de l'Est. Ils ont notamment incendié une énorme barricade constituée de sièges arrachés sur les gradins d'un terrain de sport, près du quartier général de la police, dans le secteur de Wanchai (centre). Les flammes ont été éteintes au bout d'une demi-heure.

"Des manifestants radicaux ont lancé des bombes incendiaires et corrosives" contre les policiers, a dénoncé la police dans un communiqué, parlant de "menace grave" pour les personnes alentour. La police, dont certains agents en civil s'étaient mêlés aux manifestants, a procédé à de nombreuses arrestations alors que se poursuivaient les affrontements.

 Auparavant, un groupe avait défilé près de la résidence de la cheffe de l'exécutif locale Carrie Lam, ancienne résidence du gouverneur britannique perchée sur les premières pentes de Victoria Peak. Mme Lam concentre l'ire des manifestants pour ne pas avoir formellement retiré son projet de loi controversé sur les extraditions qui avait été en juin l'élément déclencheur de la mobilisation.

Un autre groupe s'est retrouvé dans le quartier très commerçant de Causeway Bay, bondé comme tous les samedis. "Je suis prêt à faire face aux conséquences du fait de manifester", a déclaré un manifestant se faisant appeler Jay. "Mais nous, Hongkongais, avons la liberté de réunion."

Hong Kong traverse depuis près de trois mois sa pire crise depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, avec des actions quasi quotidiennes qui ont parfois dégénéré. Une situation inédite à laquelle les autorités de la région semi-autonome peinent à répondre.

La contestation a élargi ses revendications à la dénonciation de l'influence grandissante de la Chine sur sa région semi-autonome et au recul des libertés. "C'est maintenant ou jamais", explique une comptable qui se fait appeler Wong. "J'ai deux enfants qui ne sont pas venus, mais leur grand-mère est là. Nous défendons le maintien du droit de manifester pour la prochaine génération."

Ce samedi marque le cinquième anniversaire du refus par Pékin d'organiser des élections au suffrage universel à Hong Kong. Cette décision fut le déclencheur du "Mouvement des parapluies" de 2014, marqué par 79 jours d'occupation du coeur financier et politique de la ville.

Au final, cette mobilisation alors historique s'était achevée sans aucune concession de la part du gouvernement central chinois. Et les manifestants actuels sont déterminés à ne pas laisser leur mouvement mourir à petit feu, d'où la créativité de leurs modes d'action.

Chine Nouvelle, l'agence de presse officielle de Pékin, a publié sur Twitter samedi soir une vidéo de policiers chinois en armes effectuant "des exercices anti-émeutes à Shenzen", la grande ville chinoise voisine de Hong Kong.

Il s'agit de la plus récente initiative d'une campagne de propagande et d'intimidation du régime chinois visant les protestataires hongkongais afin de neutraliser le mouvement, que Pékin considère comme un défi à son pouvoir. La mouvance prodémocratie était aussi samedi sous le choc de l'arrestation la veille de trois députés et de cinq militants de premier plan.

Parmi eux, deux représentants du "Mouvement des parapluies", Joshua Wong et Agnes Chow, âgés de 22 ans, inculpés pour "incitation à participer à un rassemblement non autorisé", avant d'être libérés sous caution.

Samedi matin, LIHKG, un forum prisé des manifestants, a annoncé sur Twitter que son application avait été la cible de "la pire attaque qu'elle ait jamais essuyée". Plus de 900 personnes ont au total été interpellées depuis juin. 

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