Partir au plus vite

24/08/2021
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Les islamistes sont entrés le 15 août dans la capitale sans rencontrer de résistance

Les Américains accentuent mardi leurs efforts pour évacuer au plus vite des milliers d'Afghans et d'étrangers de Kaboul, les talibans ayant averti qu'ils ne toléreraient plus ces opérations que pendant une semaine. 

Un sommet virtuel du G7 doit dans l'après-midi faire le point sur les évacuations depuis l'aéroport de Kaboul, où des milliers de candidats au départ, terrifiés par le retour au pouvoir des islamistes, sont toujours massés dans de rudes conditions, avec l'espoir de s'envoler vers l'Occident.

Plusieurs dirigeants du G7, y compris le Premier ministre britannique Boris Johnson, dont le pays préside actuellement le groupement, pourraient plaider auprès du président Joe Biden pour qu'il maintienne des troupes américaines au-delà de la date limite du 31 août, pour achever ces évacuations. Cette date avait été fixée par M. Biden lui-même comme étant celle à laquelle le retrait définitif et total des troupes américaines et étrangères d'Afghanistan devait être achevé.

Les Américains ont évacué 48.000 personnes depuis la mise en place du pont aérien le 14 août - dont 11.000 en seulement 12 heures lundi -, à la veille de l'entrée des talibans dans Kaboul et de leur prise du pouvoir, selon la Maison Blanche. Plusieurs milliers d'autres personnes ont été évacuées par leurs alliés.

Les Afghans déterminés coûte que coûte à quitter le pays, dont beaucoup ont travaillé pour l'ancien gouvernement ou pour les forces étrangères, redoutent que les talibans n'instaurent le même type de régime fondamentaliste et brutal que quand ils étaient au pouvoir entre, 1996 et 2001.

"Les talibans n'ont pas changé", a affirmé lundi Nilofar Bayat, la capitaine de l'équipe afghane de basket-ball en fauteuil roulant, qui est parvenue à quitter son pays pour se réfugier en Espagne en fin de semaine dernière.

Hors de Kaboul, dans les campagnes et les grandes villes, beaucoup d'Afghans sont soulagés de voir des décennies de guerre prendre fin. Mais certains, les femmes et les minorités ethniques en particulier, s'inquiètent du sort qui leur sera réservé.

Conscients du défi qui les attend, maintenant qu'ils doivent gouverner un pays ayant beaucoup changé en deux décennies, les talibans ont essayé de se présenter sous un jour plus modéré à la population et à la communauté internationale, mais sans guère convaincre de leurs bonnes intentions. La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a déclaré mardi que "la façon dont les talibans traitent les femmes et les filles, et respectent leurs droits à la liberté, à la liberté de mouvement, à l'éducation, à l'expression personnelle et à l'emploi" serait une "ligne rouge fondamentale", en ouverture d'une réunion spéciale du Conseil des droits de l'homme.
Lundi, les islamistes ont haussé le ton après avoir jusque-là plutôt collaboré avec les Américains et les Occidentaux aux évacuations. 
La date du 31 août est "une ligne rouge", a prévenu Suhail Shaheen, un de leurs porte-parole. "S'ils prolongent (leur présence), cela signifie qu'ils prolongent l'occupation", a-t-il déclaré, mettant en garde contre de probables "conséquences".

M. Biden a insisté qu'il souhaitait s'en tenir à la date du 31 août, sans toutefois complètement exclure un éventuel report. 
"L'objectif est de faire partir autant de monde que possible, aussi rapidement que possible", a souligné lundi le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby. "L'objectif est de tenter de faire tout notre possible d'ici la fin du mois."

Mais plusieurs pays européens poussent pour que l'échéance soit repoussée au-delà du 31 août, même si le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a estimé mardi "peu probable" que les États-Unis la reportent.

La France, qui avait jugé lundi qu'un "délai supplémentaire" était "nécessaire", a annoncé mardi que si cette date était maintenue, son pont aérien, qui a déjà permis d'exfiltrer près de 2.000 Français et Afghans menacés, cesserait dès jeudi soir.

Le gouvernement espagnol, pour sa part, a indiqué tout faire pour évacuer le plus de gens possible, mais qu'il y aura "des personnes qui resteront sur place" pour des raisons indépendantes de sa volonté.

La situation reste toujours dangereuse et chaotique aux abords de l'aéroport, où un garde afghan a été tué et trois autres blessés lors d'échanges de tirs lundi matin avec des assaillants non identifiés. Plusieurs autres personnes avaient déjà été tuées dans des circonstances souvent troubles.
Les islamistes sont entrés le 15 août dans la capitale sans rencontrer de résistance, à l'issue d'une offensive éclair entamée en mai à la faveur du début du retrait des forces américaines et de l'OTAN. Depuis, ils travaillent à la formation d'un gouvernement censé inclure d'autres factions. 

Pour tenter de prouver leur bonne volonté, les talibans ont déclaré une amnistie générale pour tous les responsables gouvernementaux ou militaires afghans. Mais selon un rapport d'un groupe d'experts travaillant pour l'ONU publié la semaine dernière, ils possèdent des "listes prioritaires" d'Afghans recherchés, les plus menacés étant les gradés de l'armée, de la police et du renseignement.

Dans le reste de la capitale, la situation est restée plutôt calme, même si de courageux Afghans ont parfois brandi des drapeaux nationaux en signe de défi aux nouveaux maîtres du pays. Des combattants talibans en armes patrouillent dans les rues et sont déployés à des postes de contrôle.

Les islamistes contrôlent quasiment tout le pays, mais une poche de résistance s'est formée dans la vallée du Panchir, au nord-est de Kaboul, autour du Front national de résistance (FNR), emmené par Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmed Shah Massoud assassiné en 2001 par el-Qaëda, et d'Amrullah Saleh, vice-président du gouvernement déchu.

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