Thaïlande : pouvoirs étendus à l'armée

01/04/2015
Thaïlande : pouvoirs étendus à l'armée

L'armée a pris le pouvoir en mai 2014 après des mois de manifestations de rue

La Thaïlande a levé mercredi soir la loi martiale instaurée en mai dernier, après l'approbation du roi, mais l'a remplacé par un décret octroyant des pouvoirs étendus à l'armée, un signe très inquiétant estiment les défenseurs des droits de l'Homme.

Il y a maintenant une ordonnance royale pour la levée de la loi martiale dans le royaume, a-t-il été précisé, d'après un communiqué lu dans la soirée sur une chaine de télévision militaire thaïlandaise.

Le chef de la junte, Prayut Chan-O-Cha, au pouvoir depuis un coup d'Etat en mai dernier, avait déjà annoncé mardi avoir demandé la levée de la loi martiale et son remplacement par le décret 44.

Mercredi soir, des détails concernant ce nouveau décret ont été donnés. D'après le texte, les rassemblements politiques de plus de cinq personnes restent interdits dans le pays, comme cela était le cas sous la loi martiale. 

Cela dans le but de juguler toutes actions susceptibles de détruire la paix, l'ordre ou la sécurité nationale ou visant à attaquer la junte, précise le texte.

Par ailleurs, la junte a également le pouvoir d'empêcher la diffusion de livres, de documents imprimés ou de n'importe quel média comportant des messages provoquant la peur ou relayant des informations déformées ou créant le malentendu.

Ces changements inquiètent fortement les défenseurs des droits de l'homme qui estiment que ce nouveau décret pourrait s'avérer plus draconien que la loi martiale.

Mercredi avant l'annonce officielle, Brad Adams, directeur en Asie de Human Rights Watch, avait estimé que ce décret marquerait la plongée de la Thaïlande dans la dictature.

David Kaye, le rapporteur spécial de l'ONU pour la liberté d'opinion et d'expression, avait également exprimé de fortes préoccupations.

Dans une déclaration conjointe, les avocats thaïlandais pour les droits de l'homme et des sept autres associations avaient estimé mardi que l'utilisation de l'article 44 accorderait au chef de la junte Prayut des pouvoirs absolus... sur le législatif, l'administratif et le judiciaire dans un pays où tous les droits et libertés individuelles sont bafouées.

Pourtant mercredi face à des centaines de fonctionnaires réunis à Bangkok pour la Journée nationale de la fonction publique de la Thaïlande, Prayut a rejeté les accusations de dictature et a défendu le nouveau texte.

Cet article a été écrit pour donner les pouvoirs au Premier ministre sans passer par la loi. Cela ne signifie pas que nous allons enlever le pouvoir aux gens. Si j'utilise ce pouvoir dans le mauvais sens, vous ne pensez pas que je vais avoir honte?, a-t-il ajouté.

L'armée a pris le pouvoir en mai 2014 après des mois de manifestations de rue, souvent violentes, qui ont paralysé le gouvernement démocratiquement élu de Yingluck Shinawatra.

Depuis plusieurs mois, les alliés occidentaux de la Thaïlande, les entreprises et les voyagistes pressaient les autorités de lever la loi martiale. 

Les militaires ont promis de rendre le pouvoir à un gouvernement civil élu, mais seulement une fois que les réformes visant à lutter contre la corruption et à limiter le pouvoir des partis politiques figureront dans une nouvelle Constitution.

Aucune date n'a été fixée pour les prochaines élections.

Pour les experts, ces réformes visent principalement à éliminer durablement de la scène politique le clan des Shinawatra, Yingluck et son frère Thaksin, dont les partis ont remporté toutes les élections depuis 2001.

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