Monter en régime pour dépasser une reprise fragile

05/10/2014
Monter en régime pour dépasser une reprise fragile

Christine Lagarde et une étudiante de l'université de Georgetown

Des politiques plus ambitieuses peuvent imprimer un nouvel élan à l’économie mondiale pour l’aider à dépasser une reprise qui jusqu’à présent a été décevante, a déclaré Christine Lagarde, Directrice générale du FMI.

Dans un discours prononcé à l’Université de Georgetown, à Washington, dans la perspective de l’Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale qui se tiendra la semaine prochaine, Mme Lagarde a déclaré que le FMI avait désormais pour tâche principale d’aider l’économie mondiale à monter en régime pour dépasser une reprise fragile, inégale et menacée de toutes parts.

Intervenant le 2 octobre, à la School of Foreign Service, Mme Lagarde a précisé que l’économie mondiale avait atteint un point d’inflexion : «Certes, la reprise est bien là, mais, comme nous le savons — et nous le sentons tous —, le niveau de croissance et d’emploi est tout simplement insuffisant».

Le monde doit viser plus haut et faire plus, a déclaré Mme Lagarde. Cela signifie «des actions plus ambitieuses pour susciter un nouvel élan afin de dépasser cette nouvelle médiocrité qui assombrit l’avenir».

L’Assemblée annuelle du FMI et du Groupe de la Banque mondiale réunit chaque année près de 10.000 banquiers centraux, ministres des finances, responsables du développement, dirigeants du secteur privé et représentants du monde universitaire pour traiter de questions d’envergure planétaire, dont les perspectives de l’économie mondiale, l’éradication de la pauvreté, le développement économique et l’efficacité de l’aide.

Six ans après le début de la crise financière, force est de constater que l’économie mondiale reste affaiblie et l’on n’entrevoit qu’une modeste accélération pour 2015, a signalé Mme Lagarde. Parmi les pays avancés, le rebond devrait être le plus marqué aux États-Unis, modeste au Japon et le plus faible dans la zone euro.

Emmenés par l’Asie, et la Chine en particulier, les pays émergents devraient rester des moteurs importants de l’activité mondiale. Pour eux aussi, toutefois, la croissance risque d’être moins rapide que par le passé.

Pour les pays en développement à faible revenu, dont ceux d’Afrique subsaharienne, les perspectives économiques s’améliorent. Cependant, étant donné que la dette s’accumule dans certains pays, il faut aussi qu’ils restent vigilants. Au Moyen-Orient, les perspectives sont assombries par des transitions économiques difficiles et des conflits sociaux et politiques intenses.

L’économie mondiale risque de se trouver bloquée pendant un certain temps à un niveau médiocre de croissance, à déclaré Mme Lagarde. Si l’on anticipe une baisse de la croissance potentielle demain, ce sont l’investissement et la consommation qui vont diminuer dès aujourd’hui. Une telle logique pourrait sérieusement freiner la reprise, en particulier dans les pays avancés, qui font également face à des taux de chômage élevés et une faible inflation.

Les risques de la finance parallèle 

Mme Lagarde a également évoqué les craintes que les excès du secteur financier ne s’accumulent, notamment dans les pays avancés. Les niveaux de valorisation des actifs atteignent des sommets sans précédents, tandis qu’on observe le phénomène inverse pour les écarts de taux et la volatilité.

Il faut aussi s’inquiéter de la migration des nouveaux risques de marché et de liquidité vers la finance «parallèle», ce segment moins réglementé et non bancaire qui se développe rapidement dans certains pays. En outre, les événements en Ukraine, au Moyen-Orient et dans les pays touchés par la flambée d’Ébola constituent des risques géopolitiques.

Selon Mme Lagarde, dans cette conjoncture, l’économie mondiale peut avancer avec une croissance poussive et médiocre, «ou elle peut corriger sa trajectoire et recourir à des politiques audacieuses pour accélérer la croissance, stimuler l’emploi et mobiliser ainsi un nouvel élan».

• Une politique budgétaire propice à la croissance et à l’emploi, en s’attaquant notamment à la fraude fiscale, en encourageant des dépenses plus efficientes ou en réduisant la charge fiscale du travail.

• Des réformes structurelles pour relever la productivité et la compétitivité et créer davantage d’emplois grâce à des programmes de formation; encourager les femmes à rejoindre la population active; ouvrir les marchés des produits et des services; et réformer les subventions aux produits énergétiques.

• Des investissements publics efficients dans l’infrastructure, qui peuvent insuffler une nouvelle vigueur à la croissance et à l’emploi.

Cela dit, ces mesures n’auront que des effets limités si nous n’améliorons pas le flux du crédit à l’économie. «Il est indispensable d’instituer des régimes des faillites capables d’aider les banques et le secteur privé à gérer leur endettement — de manière à débloquer leurs bilans, afin que les flux de crédit reprennent et huilent les rouages de l’économie», a ajouté Mme Lagarde.

Vu la «médiocrité» de la croissance et la «mobilisation» nécessaire des dirigeants pour pouvoir la surmonter, la coopération internationale passe par le multilatéralisme et le rôle du FMI, a ajouté Mme Lagarde.

En rappelant que le FMI fête son 70e anniversaire, Mme Lagarde a rappelé que l’institution avait été un foyer de coopération pendant toute son histoire et que cela a continué au cours de la crise financière. Elle a d’ailleurs cité plusieurs exemples de coopération économique mondiale durant cette période récente.

«Le plus frappant a sans doute été l’action concertée des nations du G-20 — y compris pour étoffer les ressources du FMI — afin de conforter la confiance et de préserver le système financier mondial». Elle a ajouté que le G-20 avait récemment annoncé de nouvelles avancées dans l’élaboration de stratégies visant à doper au total la croissance à moyen terme collectivement de 2 % d’ici à 2018 — ouvrant des perspectives de plus de croissance et de plus d’emplois.

«Le FMI a 70 ans, et continue à s’adapter pour remplir la mission qui est sa raison d’être : préserver la stabilité en aidant les pays traversant des difficultés économiques et forger des solutions coopératives aux problèmes mondiaux. Pour vous et pour les générations à venir», a conclu Mme Lagarde.

Des responsables des 188 pays membres du FMI et de la Banque mondiale se donneront rendez-vous à l’occasion de l’Assemblée annuelle de 2014. Le Togo sera représenté par Adji Otèth Ayassor, le ministre de l'Economie et des Finances et par Djossou Sémodji, le ministre de la Planification.

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