La dynamique africaine d'Ankara

30/05/2021
La dynamique africaine d'Ankara

Recep Tayyip Erdogan

Le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, effectue une première visite officielle de 48h en Turquie, signe d’un rapprochement entre les deux pays.

La Turquie intensifie ses échanges commerciaux et diplomatiques avec l’Afrique. La conquête des marchés dans des pays aux équilibres alimentaires fragiles est un des axes majeurs de la stratégie d’influence turque sur la scène internationale.

La Turquie a toujours été une grande puissance. C’est aujourd’hui la 19e économie mondiale, forte de 84 millions d’habitants, dont un quart âgé de moins de quinze ans et où les actifs sont pour la plupart bien formés. 

Un pays, membre du G20 et de l’Otan, où la classe moyenne s’est développée au cours des deux premières décennies de ce siècle, durant lesquelles un homme, Recep Tayyip Erdogan, a su conquérir de nombreux pouvoirs. 

Le président turc, symbole d’une époque marquée par le réveil des nationalismes, ne cherche pas uniquement à contrôler les dynamiques à l’œuvre au sein de son pays. 

Les difficultés rencontrées sur le plan intérieur (société divisée, indicateurs économiques préoccupants) incitent à plus d’activisme extérieur, en Afrique et ailleurs.

Peu commentée, la stratégie turque vers l’Afrique mérite l’attention. Le président Erdogan s’y déplace fréquemment. Les investissements se multiplient et les entreprises turques participent à certains grands chantiers d’infrastructure comme les barrages hydrauliques. 

Les relations commerciales de la Turquie avec les pays africains se basent sur un principe de gain mutuel', explique un officiel à Ankara.

Un forum d’affaires Turquie-Afrique a été initié en 2016 à Istanbul, ville où s’est organisée la seconde édition en 2018. En raison des circonstances sanitaires, ce forum bisannuel s’est tenu en ligne les 8 et 9 octobre 2020, mais le pouvoir turc espère rassembler les décideurs, entrepreneurs et coopérants de son pays avec leurs homologues africains en 2022.

Comme toutes les nations ambitieuses de ce monde, la Turquie sait que les marchés africains sont en plein essor et que ce continent constitue un réservoir de croissance à moyen-long terme. 

Cela vaut aussi pour le rayonnement de l’islam, car la politique africaine turque ne saurait être examinée sans la variable religieuse. 

Le pays étend par ailleurs sa coopération dans le domaine éducatif, pour endiguer le réseau des écoles financé par le mouvement de Fethullah Gülen (accusé d’être à l’origine du coup d’Etat manqué contre le président turc en 2016).

Au Togo, une école gérée par ‘Fetö’ ((Fethullahist terror organization, selon l’appellation officielle) est passée sous le giron de la Fondation Maarif liée à l’Etat.

En Côte d’Ivoire, pays où son influence infuse progressivement, des étudiants succombent aux sirènes turques qui proposent des bourses attractives pour venir se former dans les universités d’Ankara, d’Istanbul ou d’Izmir.

Pas moins de 43 ambassades tapissent désormais le tissu diplomatique turc sur le continent, contre douze à peine il y a une décennie. La dernière a été ouverte récemment au Togo.

Un ancrage qui s’est appuyé sur le déploiement de liaisons aériennes entre la Turquie et à peu près toutes les capitales africaines.

La compagnie Turkish Airlines, qui dessert 60 destinations africaines aujourd’hui contre quatre en 2008, contribue au rayonnement du pays, aux mobilités humaines mais aussi aux échanges commerciaux, y compris agro-alimentaires par avions-cargos spécialisés.

La crise sanitaire a toutefois contraint Turkish Airlines a réduire sa voilure sur le contient. 

Le commerce de la Turquie en direction de l’Afrique reste limité (10 % du total réalisé dans le monde), mais s’accentue.

Ses exportations s’y élèvent à 16 milliards de dollars ; elles n’étaient que de 5 milliards en moyenne au cours de la décennie 2000. Sur ce chiffre, 11 % sont des produits agricoles et alimentaires. Avec un montant de 1,8 milliard de dollars, c’est dix fois plus qu’au début des années 2000. Soit une progression significative, identique à celle enregistrée au Moyen-Orient durant la même période.

Dans la conquête des marchés internationaux, la Turquie joue donc sa partition en direction de ces régions aux équilibres alimentaires fragiles. 

Dans la partie subsaharienne, les cinq plus gros partenaires de la Turquie sur le plan agroalimentaire sont l’Angola, le Soudan, le Bénin, Djibouti et la Somalie (notons la présence militaire turque dans ces deux pays de la Corne de l’Afrique).