Autriche : Sebastian Kurz veut sa revanche

29/09/2019
Autriche : Sebastian Kurz veut sa revanche

Sebastian Kurz

Les Autrichiens votaient dimanche pour tourner la page d'une crise politique retentissante qui a coûté à l'extrême droite sa place au gouvernement mais laisse le conservateur Sebastian Kurz en position de force pour reconquérir le pouvoir.

Promis à une large victoire par les sondages, l'ex-chancelier de 33 ans s'expose cependant à des négociations ardues dans sa quête d'alliés pour gouverner.

Sa première coalition, formée en 2017 avec le parti d'extrême droite FPÖ, se présentait comme un modèle à suivre pour l'Europe aux prises avec la montée des nationalismes: elle a implosé au bout de 18 mois. L'alliance droite/extrême droite n'a pas résisté à des révélations compromettantes pour le chef du FPÖ et numéro deux du gouvernement.

Le parti ÖVP de Sebastian Kurz est crédité depuis des mois d'une large avance, entre 33% et 35% d'intentions de vote, en hausse de 2,5 points par rapport aux élections de 2017.

Le surdoué de la politique autrichienne a pourtant "plus à perdre qu'à gagner", soulignait à la veille du scrutin le quotidien conservateur Die Presse. Car Sebastian Kurz "a trois options possibles de coalition qui toutes lui déplaisent". Il peut renouer une alliance avec l'extrême droite, revenir à la sage coalition avec les sociaux-démocrates - une formule usée par des décennies de cogestion -, ou bien opérer un virage à 180 degrés en s'alliant avec les écologistes et les libéraux. Toutes ces variantes sont risquées pour l'ex-chancelier qui mise sur le plus fort score possible afin d'accroître sa marge de manoeuvre. "Notre premier objectif est qu'il n'y ait pas de majorité contre nous", a-t-il souligné après avoir voté à Vienne.

La cheffe des sociaux-démocrates, Pamela Rendi-Wagner, a appelé à la mobilisation pour "stopper" le retour d'une coalition "noir-bleu", les couleurs respectives des conservateurs et de l'extrême droite.

L'élection est un test pour le FPÖ, plombé par l'Ibizagate, une affaire à laquelle se sont ajoutés, dans les derniers jours de la campagne, des soupçons de détournements de fonds au sein du parti.

La formation d'extrême droite s'est dotée d'un nouveau chef, Norbert Hofer, après la brutale disgrâce de son prédécesseur, Heinz-Christian Strache. Ce dernier a dû démissionner de tous ses mandats après la diffusion d'une vidéo tournée en caméra cachée à Ibiza révélant des discussions compromettantes: à une femme se présentant comme la nièce d'un oligarque russe, il expliquait comment financer le FPÖ de façon occulte.

Les allégations de détournements de fonds sur lesquelles la justice enquête visent aussi M. Strache, soupçonné d'avoir utilisé l'argent du parti pour couvrir des dépenses personnelles. M. Hofer a reconnu dimanche que ce contexte représentait "un vrai défi" pour le parti eurosceptique et hostile à l'islam, qui souhaite renouer une alliance avec Sebastian Kurz.

"Ce qui compte c'est que cette élection nous donne une base stable (...)", a-t-il expliqué après avoir voté dans son village de Pinkafeld, près de la frontière hongroise. Descendre sous la barre des 20% serait un revers pour le FPÖ, au coude à coude avec les sociaux-démocrates pour la seconde place.

 Alors que le parti nationaliste, fondé par d'anciens nazis dans les années 1950, sent le soufre aux yeux de nombreux élus conservateurs, les Verts devraient faire leur retour au parlement, crédités d'un score de 11 à 13%.

Dans une campagne où les enjeux climatiques ont remplacé la question migratoire qui avait dominé les législatives de 2017, Sebastian Kurz "n'exclut pas, après avoir incarné la fermeté sur l'immigration, d'ajouter une nouvelle corde à son arc en incarnant une écologie conservatrice", analyse le politologue Patrick Moreau.

"C'est un vote important pour le climat", estimait dimanche Peter Litzlbauer, un électeur de 26 ans, estimant que les gouvernements précédents "ont trop peu fait" dans ce domaine. Les Verts se disent prêts à discuter d'une alliance avec les conservateurs et les libéraux du parti Neos, mais les concessions de part et d'autre devraient être si nombreuses, sur l'environnement et l'immigration notamment, que ce scénario laisse beaucoup d'observateurs sceptiques.

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