Venezuela : probable revers électoral pour les chavistes

04/12/2015
Venezuela : probable revers électoral pour les chavistes

L'économie s'est effondrée

Le Venezuela, touché de plein fouet par la chute des cours du pétrole, renouvellera dimanche son Parlement, qui pourrait basculer dans l'opposition pour la première fois en 16 ans, mais le président chaviste Nicolas Maduro devrait tout faire pour conserver l'intégralité du pouvoir.

Dans ce pays sud-américain de 30 millions d'habitants, les bureaux de vote ouvriront à 06H00 (10H30 GMT) et les premiers résultats ne sont pas attendus avant lundi soir.

Fait inédit, la Table pour l'unité démocratique (MUD), vaste coalition d'opposition, est largement favorite pour ce scrutin, visant à élire pour cinq ans les 167 députés du Parlement monocaméral.

Sa victoire marquerait un tournant historique depuis l'élection en 1999 d'Hugo Chavez, décédé en 2013 et auquel Maduro a succédé.

Mais les analystes préviennent que, dans ce système présidentialiste, le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) utilisera tous les outils à sa disposition pour minimiser ce probable revers.

Moi je ne me rendrai sous aucune circonstance, je sais que nous allons triompher, assure Nicolas Maduro. En cas de défaite, j'irai dans les rues pour lutter avec le peuple, comme je l'ai toujours fait, et nous passerions à une nouvelle étape de la révolution.

Pourtant, avec une popularité à 22% selon l'institut Datanalisis, difficile pour lui d'enrayer le mécontentement.

La situation économique et sociale, très dégradée, offre une fenêtre de victoire électorale à l'opposition, explique Jean-Jacques Kourliandsky, spécialiste de l'Amérique latine à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris, dans un climat de désordre économique, difficultés de la vie quotidienne et insécurité de plus en plus grande.

Dans le quartier populaire de Petare à Caracas, Zenaida Rodriguez, 65 ans, devra bientôt fermer sa boutique de jus de fruits et empanadas : Je ne m'en sors pas. Tout est trop cher et je dois faire la queue pendant des heures pour acheter une bouteille d'huile.

L'économie du pays s'est effondrée, emportée par la chute des cours du pétrole, dont il dispose des plus importantes réserves de la planète, se traduisant pour les habitants par des pénuries et une inflation avoisinant les 200% selon les experts.

Des bandits ont essayé de m'extorquer. Et juste à l'angle, ils ont tué un homme, confie Robinson Fontalvo, comptable de 43 ans, reflétant les inquiétudes des Vénézuéliens face à l'insécurité, dans ce pays au taux d'homicide le deuxième plus élevé au monde, après le Honduras.

Cela va être un vote de punition, prédit David Smilde, expert du Bureau de Washington sur l'Amérique latine (WOLA) ayant vécu une vingtaine d'années à Caracas.

Tout en ne prévoyant qu'une majorité simple à l'opposition, en raison d'un découpage électoral favorisant le pouvoir en place, M. Smilde estime que le PSUV fera tout pour réduire la portée de sa défaite.

Le gouvernement fait une série de choses montrant qu'il se prépare à perdre l'Assemblée nationale, remarque-t-il, par exemple en ayant fait renouveler récemment une partie des juges de la Cour suprême par le Parlement actuel.

Et il pourrait essayer de réduire le pouvoir de l'Assemblée en adoptant juste après le scrutin une loi autorisant Nicolas Maduro à gouverner par décret.

Pour l'opposition, l'idéal serait d'atteindre une majorité des deux tiers, pour avoir un vrai pouvoir, explique Andrés Cañizales, professeur à l'université Andrés Bello à Caracas.

Toutefois je ne pense pas qu'il y ait les conditions pour que cela arrive, car les élections se seront pas totalement libres et transparentes, craint-il. Le mécontentement dans ces élections ne s'exprimera pas totalement, soit par peur soit sous l'effet du chantage populiste du PSUV, qui affirme que l'opposition cessera les programmes sociaux, socle du chavisme, si elle gagne.

Dans un pays marqué par de violentes manifestations en 2014 (43 morts officiellement), les risques de troubles sont grands si le résultat électoral n'est pas reconnu ou est neutralisé par le parti socialiste.

Partager le pouvoir? Clairement, les chavistes ne sont pas prêts et ils n'ont pas envie, résume Olivier Dabène, président de l'Opalc, observatoire de SciencesPo Paris sur l'Amérique latine.

Mais au niveau international, ils sont beaucoup plus isolés, notamment après le rapprochement entre Cuba et Washington et la victoire de la droite en Argentine. En cas de fraude, il n'y aura personne pour vraiment les soutenir.

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